23

L’honorable Whit Mosley s’efforçait de rester concentré. Regarder les frères Augustine se chamailler lui rappelait de charmants épisodes de son enfance : les confrontations quotidiennes entre les six frères Mosley visant à déterminer qui avait mangé tout le paquet de chips, qui avait effacé la cassette du Superbowl, qui avait tartiné de beurre les draps du lit.

Le désaccord entre les Augustine (soixante-dix de QI à eux deux) portait sur un barbecue qu’ils avaient bricolé. Les frères avaient tour à tour expliqué leur version des faits, dans un style qui leur aurait valu une place de choix dans n’importe quel talk-show un peu trash.

« Récapitulons, dit Whit. Tony, vous avez fabriqué ce barbecue tout seul, c’est ça ?

— Parfaitement, monsieur, répondit Tony Augustine en hochant vigoureusement la tête. À la sueur de mon front. »

Tony avait un an de plus que Whit. Ils étaient allés dans le même collège, où Tony se comportait comme une petite brute. Il craignait que Whit ne lui fasse maintenant payer sa tyrannie passée.

« Mais vous avez utilisé des matériaux appartenant à Cliff, n’est-ce pas ?

— Absolument, Votre Honneur, dit Cliff Augustine, qui n’avait jamais poussé quiconque dans la queue de la cantine et pensait par conséquent avoir l’avantage moral. J’ai tout acheté : les briques, la plaque, les fils électriques et le reste.

— Selon vous Tony, sans votre savoir-faire, le barbecue n’existerait pas, et vous voulez que Cliff vous le rende. »

Le sarcasme du juge Mosley n’échappait ni à son assistante, ni au flic de service, ni aux quelques spectateurs qui attendaient leur tour devant le juge, ni même aux Augustine.

« Euh, oui, dit Tony, moins sûr de lui. En fait, nous allions le partager, mais nos femmes ne s’entendent plus entre elles, vous voyez. C’est vraiment un barbecue d’exception, précisa-t-il avec une pointe de fierté dans la voix, quand il s’agit de faire griller des côtes de bœuf…»

S’il donnait raison à Tony, Whit trouverait sûrement un plat de ladite succulente viande devant sa porte un matin.

« Il est ridicule que deux frères de votre âge ne puissent pas résoudre ce problème. Vous nous faites perdre du temps à tous. Je vais prendre exemple sur Salomon et demander qu’on divise ce barbecue en deux parts égales. La moitié droite à Cliff, la moitié gauche à Tony. On tranche en plein milieu.

— Il va être foutu ! cria Tony.

— Vous êtes dingue ! s’exclama Cliff.

— Surveillez vos paroles, grogna Lloyd Brundrett.

— Pardon, Votre Honneur, dit Cliff, soudain pris de contrition. Je m’excuse, je suis désolé.

— L’autre solution, dit Whit, c’est que vous trouviez immédiatement une solution amiable. »

Les Augustine plongèrent dans un silence boudeur. « Parfait, eh bien j’ai rendu mon jugement. Les adjoints du shérif le mettront à exécution le plus rapidement…

— Attendez ! cria Cliff. S’il vous plaît, attendez ! Monsieur le juge… D’accord, Tony l’a construit, je lui laisse le barbecue. Je ne supporterais pas qu’il soit détruit. »

Tony leva le poing et se mit à se trémousser comme un rustre. Whit tapa deux fois avec son marteau, qu’il pointa ensuite vers Tony.

« Arrêtez cette danse de victoire. Tout de suite. » Tony laissa retomber son bras, ses hanches se figèrent. « Tony, si votre frère vous laisse le barbecue, je vous suggère vivement de vous arranger pour lui rembourser les matériaux, au besoin petit à petit, en liquide ou par le biais d’un échange. Vous pourriez songer par exemple à approvisionner sa famille en viande cuite avec votre barbecue, puisqu’elle est si bonne. Il faut que vous vous comportiez en véritable frère, c’est compris ? »

Tony hocha la tête, un peu surpris mais surtout très content.

« OK. Alors je prononce un non-lieu. »

Son assistante apporta à Whit le dossier suivant. Des voisins qui se disputaient la propriété d’une tondeuse à gazon. Incroyable. Dans l’heure qui suivit, Whit jugea quatre autres cas. Patsy Duchamp entra discrètement et s’assit au dernier rang. Quand finalement la salle se vida, Patsy s’approcha de Whit et lui remit une chemise en carton :

« Les coupures de presse mentionnant Corey Hubble, Whit.

— Merci. C’est moi qui paie les prochaines margaritas.

— J’aurais besoin de quelque chose de frais sur la mort de Pete…

— Désolé, Patsy, je n’ai rien à te dire pour l’instant. Le médecin légiste devrait me contacter très prochainement. Je t’appellerai tout de suite. »

La chemise en carton sous le bras, Whit quitta la salle d’audience, ravi d’en avoir terminé si rapidement : cinq affaires en moins d’une heure. Les électeurs ne pourraient pas se plaindre de la lenteur de la justice dans le comté d’Encina. Whit se dit qu’il devrait faire de l’efficacité le thème central de sa campagne.

Il ouvrit la porte de son bureau et trouva Sam Hubble assis, la tête penchée en avant, les mains sur les genoux.

Le garçon se leva lentement.

« Bonjour, monsieur le juge. Vous avez une minute ?

— Bien sûr, Sam. Comment vas-tu ?

— Je tiens le coup. Même si ce qui est arrivé à mon père…

— Je comprends. »

Whit était mal à l’aise. Il s’assit derrière son bureau, lissa sa robe noire, pria pour que Sam ne lise pas « Je couche avec ta mère » sur son visage.

« Je voulais vous parler de mon père. Il y a des choses… que je ne pouvais pas dire devant ma mère et ma grand-mère. Si vous voulez, on pourra les appeler une fois que j’aurai dit ce que j’ai à vous dire. »

Sam parlait d’un ton déterminé. Il ressemblait à Pete : grand, large d’épaules, mince, les cheveux châtains. Il avait les yeux noisette de Faith, le regard direct et des lèvres fines comme celles de Lucinda.

« Je t’écoute.

— Je regrette ce que j’ai fait…»

Whit sentit son cœur s’enfoncer dans sa poitrine.

« Mon père s’est suicidé, reprit Sam. Je le sais parce que… C’est moi qui ai trouvé le corps. En premier. Moi, pas cette fille. »

Une lumière momentanément atténuée filtrait entre les lattes du store. Dans cette pénombre, c’est un Corey voûté et abattu que Whit crut voir et non pas quelqu’un appartenant au clan des Hubble.

« Je ne voulais pas que quelqu’un le sache, continua Sam. Mais je ne peux pas faire ça à grand-mère, lui laisser penser que… que peut-être papa a été assassiné. »

Il avala sa salive.

« Je suis retourné au bateau lundi soir. Pour voir mon père.

— Il savait que tu venais ?

— Non. Je voulais juste lui parler. Je trouvais bizarre qu’il ait été si loin pendant la plus grande partie de ma vie, et soudain d’apprendre qu’il n’était qu’à quelques kilomètres.

— Tu t’entendais bien avec lui ?

— Il était moins pire que je ne l’imaginais. Mais il nous a abandonnés, maman et moi. Je ne lui pardonnerai jamais, et il le savait – même si oui, on s’entendait bien. »

Sam sortit de sa poche un papier qu’il déplia et posa sur le bureau de Whit.

« Je suis passé le voir vers vingt heures trente. Il n’y avait aucun bruit sur le bateau. Alors je suis monté à bord et je l’ai trouvé. J’ai eu peur. J’ai essayé de le réveiller, mais je me suis vite rendu compte qu’il était mort. Sa peau… était encore tiède. J’étais paralysé. Je ne savais pas ce que je devais faire. Puis j’ai trouvé le mot. Il l’avait laissé sur la table de nuit. » Sam s’essuya la bouche du revers de la main. « Alors tu n’étais pas chez toi, avec ta mère, comme tu l’as dit dans ta déposition ?

— Non. Je suis sorti en douce. Il y a un treillage qui passe près de ma fenêtre, pas difficile à escalader. Ma mère ne savait pas que j’étais parti. Je m’excuse d’avoir menti. Je ne savais pas ce qu’il fallait faire ou dire… À cause de ce que mon père a écrit. »

La voix de Sam s’était brisée sur ces derniers mots. Whit tira un Kleenex d’une boîte et le tendit au garçon. Puis il déplia délicatement le mot de Pete, écrit avec un traitement de texte.

 

Je suis revenu dans l’espoir de réparer ce qui est brisé en moi, mais je ne peux pas. Mère, je suis désolé pour la souffrance que je t’ai causée, désolé pour ce que j’ai fait à Corey. J’ai tué Corey. C’était un accident, mais je suis quand même responsable. Nous nous disputions au sujet des drogues qu’il prenait. Je l’ai frappé, il est tombé et son cou a heurté la rampe de l’escalier. Il est mort en moins d’une minute. J’ai paniqué. Avant que tu reviennes à la maison, j’ai emporté son corps derrière l’île de Santa Margarita. Je l’ai lesté et je l’ai laissé couler. Je ne savais pas quoi faire d’autre. Pendant des années, j’ai essayé d’oublier la douleur, de m’abrutir en agissant comme un idiot, mais je n’en peux plus. Je préfère partir comme ça. Sam, Faith, pardonnez-moi, je vous en prie. Je vous aime, tous les deux. Velvet – les mots me manquent… Prends bien soin de toi. Bonne chance pour les élections, j’espère que la fin que je me suis choisie ne te nuira pas. Cela fait des années que tu n’as plus d’influence sur moi, alors ce serait injuste qu’on te blâme pour ma mort. J’en ai assez d’être ce que je suis, c’est tout. Sam, tu n’as rien à voir là-dedans non plus. Tu es un garçon formidable et je t’aime. Je suis désolé. Pardonnez-moi tous. Pete.

 

Whit posa la lettre. Il se sentait pris de nausée.

« Il va falloir que tu révises ta déposition auprès de la police, Sam.

— Je sais. Mais je suis venu vous voir d’abord… Ma mère a dit que c’était vous qui alliez décider s’il s’agissait d’un suicide ou non. Vous voulez bien m’accompagner au commissariat ?

— Bien sûr. Mais j’aimerais savoir pourquoi tu as gardé ce mot, pourquoi tu n’as rien dit. Il y avait des tas de gens à la marina qui t’auraient écouté.

— Je sais… Je ne voulais pas que tout le monde sache qu’il avait… pour son frère. Je pensais à grand-mère, j’étais inquiet à propos de l’élection. Mais elle va m’en vouloir de n’avoir pas dit la vérité tout de suite.

— Qu’est-ce que tu as fait après avoir trouvé le… mot ? »

Whit s’était retenu de dire « corps ».

« Je suis resté avec lui, quelques minutes, dit Sam en baissant les yeux. Je sais que ça a l’air bizarre, mais je ne voulais pas qu’il soit tout seul. Je ne voulais pas l’abandonner. J’ai failli appeler la police, mais j’ai pensé à l’élection de grand-mère, je me suis dit qu’il valait mieux que je ne passe pas aux infos. Alors je suis parti, j’ai quitté le bateau et la marina. C’est con, hein ? Je vais être dans de beaux draps maintenant, non ? »

Sam se moucha.

« Appelons la police, et ensuite ta mère. »

Whit composa le numéro du commissariat. Claudia n’y était pas ; on le transféra vers Delford.

Ce dernier poussa un long soupir : « Et moi qui vous répétais que c’était un suicide. Dieu sait que vous m’avez emmerdé, toi et Claudia…

— Sam est ici, mais sa mère doit être présente pour qu’il puisse faire une nouvelle déposition.

— J’appelle Lucinda et Faith sur-le-champ.

— Merci. On arrive dans une minute. »

Whit raccrocha.

« Je suis désolé », dit Sam.

Whit plaça la lettre de Pete dans une chemise. Dehors, le ciel s’éclaircit soudainement, et le vent en provenance du golfe colla la robe de Whit à ses jambes. Sam plaça sa main au-dessus de ses yeux pour ne pas être aveuglé par le soleil.

« Est-ce que tu as vu l’ordinateur portable de ton père sur le bateau ? demanda Whit.

— Non, je n’ai remarqué aucun ordinateur.

— Ton père t’a-t-il parlé d’un projet de film ?

— Non, il ne me parlait jamais de son travail. Vous saviez qu’il faisait des films pour les écoles de conduite ?

— Oui, dit Whit. Je savais. »

Ils traversèrent la rue et entrèrent dans le commissariat.

« Une sacrée surprise », dit Whit.

Delford et lui discutaient dans la cuisine du commissariat. Ils avaient installé Sam dans le bureau de Delford. Lucinda et Faith étaient en chemin.

Delford se versa une tasse de café d’une main peu assurée.

« Bon Dieu, quel soulagement. Je dormirai mieux cette nuit.

— Tu vas faire examiner ce mot, pour vérifier que les empreintes de Pete sont bien dessus, n’est-ce pas ? demanda Whit en croisant les bras sur sa poitrine.

— Arrête ton cinéma, Whit. C’est fini, tout ça.

— Ce mot sort d’une imprimante, mais on n’a pas retrouvé son ordinateur. Tu veux me faire croire qu’il a tapé sa lettre puis qu’il a jeté son portable dans la marina ? »

Delford allait répondre brutalement, mais il se ravisa.

« Tu as décidé de me casser les couilles, hein ? D’accord, j’en parlerai à Gardner.

— Pourquoi pas à Claudia ?

— Gardner est désormais en charge de cette affaire. Qui n’en est plus une, soyons honnêtes. »

Delford avait raison. Whit quitta le commissariat. Il n’avait pas envie de rencontrer Faith aujourd’hui. Il se dirigea vers son 4×4, se débarrassa de sa robe qu’il balança sur la banquette arrière. À quelques centaines de mètres de là, il s’arrêta chez le glacier où il travaillait autrefois. Il avait avalé la moitié de sa coupe chocolat-pistache quand son bip sonna : le médecin légiste du comté de Nueces cherchait à le joindre.

 

Faux-Semblants
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